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La détention en France : Les camps d’internement français de la première guerre mondiale
Posté par acatparis5 le 9/2/2009 15:02:48 (10217 lectures)



Les camps d'internement français de la première guerre mondiale




Transcription de la conférence donnée par Monsieur Jean-Claude Farcy, Historien, Centre Georges Chevrier, Chargé de recherche, Université de Bourgogne, le 22 janvier 2009 à la Maison fraternelle à Paris.


Cette conférence a été organisée par l'ACAT Paris V en association avec l'ERF Quartier Latin-Port Royal.


L'ACAT Paris V remercie vivement Monsieur Jean-Claude Farcy pour la qualité de son intervention.


Résumé


Les camps de concentration sont généralement associés à la seconde guerre mondiale. Il y eut cependant entre 1914 et 1920, sur le territoire français, plusieurs dizaines de milliers d'internés dans des camps portant ce nom.


Ressortissants des pays ennemis - Austro-allemands, Ottomans...-Alsaciens-Lorrains, mais aussi Neutres et Français suspects ou indésirables évacués de la capitale et de la zone des armées ont ainsi vécu enfermés entre murs et barbelés, pendant tout ou partie de la guerre - certains jusqu'en 1920... - dans quelques 70 « camps de concentration » ou « dépôts d'internés » de l'Ouest et du Sud-Est.


Constitués officiellement à des fins militaires - priver l'ennemi de combattants, éliminer toute entrave à l'effort de guerre - ces camps, qui ont leur équivalent en Allemagne et dans les autres pays engagés dans le premier conflit mondial, nous confirment que le phénomène concentrationnaire marque profondément le XXe siècle.



Nous avons découvert l'existence de ces camps il y a une vingtaine d'années, en préparant un Guide des archives judiciaires : dans les fonds pénitentiaires des dépôts d'archives existaient, aux côtés des fonds camps de la seconde guerre mondiale, ceux de la première guerre mondiale. Qui plus est, ils étaient souvent appelés « camps de concentration », comme ceux, pour des périodes plus récentes, de la Second Guerre mondiale ou les camps de l'URSS.


Des camps de concentration avaient donc existé en France, dès 1914. L'expression est couramment utilisée à l'époque, dans la presse, par les autorités (du directeur de camp aux ministres), reprise sur les tampons de correspondance des camps (« camp de concentration de Guérande »), l'expression voisinant avec celle de « dépôts d'internés ». Des camps où étaient enfermés des prisonniers civils, des camps avec des gardiens militaires, des barbelés, des évasions, révoltes et des mort…


Or ces camps étaient totalement méconnus des historiens de la Première Guerre et aucune allusion n'était faite à leur existence dans les premiers travaux portant sur les camps de la Seconde Guerre mondiale. D'où une forte incitation à esquisser leur étude en exploitant ces fonds d'archives découverts pour répondre à une interrogation lancinante : quoi de commun avec les camps de concentration ultérieurs, quelle spécificité ? La persistance du vocable invitait à se demander si ces camps n'inauguraient pas le développement des structures concentrationnaires qui ont marqué le XXe siècle…


Répondre à cette interrogation a été l'objet d'une recherche qui eut trois objectifs principaux :


- déterminer quelle fut la population internée (motifs d'internement et effectifs)


- étudier l'organisation des camps et les conditions de vie des internés


- saisir l'attitude de ces derniers, leurs résistances éventuelles.


Nous allons reprendre quelques éléments sur les motifs ayant présidé à la création de ces camps, sur l'importance et la diversité des dépôts d'internés et sur la vie des internés en prenant l'exemple d'un camp de la Sarthe, celui de Précigné.


Pourquoi des camps ?


Quelle est cette population civile que l'on veut étroitement surveiller au point de l'enfermer alors qu'elle n'a commis aucun acte passible de poursuites judiciaires ?


Sont internés trois catégories d'individus : les étrangers « suspects » au plan national, les Alsaciens-Lorrains et les « indésirables » dans la zone des armées ou le camp retranché de Paris.


1) Les étrangers des nations ennemies.


Ils posent problème pour toute guerre. On craint que, laissés libres, les « sujets ennemis » ne fassent de l'espionnage ou sabotent l'effort de guerre. Il faut donc, pour chaque Etat, empêcher “le serpent de le mordre dans son propre sein” (Raymond Hess, La condition des sujets et des biens ennemis en France pendant la guerre , thèse de droit, Nancy, 1924). Il y a deux solutions possibles envers ces étrangers de nationalité ennemie : l'expulsion (cas des Allemands de Paris, ) à la fin août 1870) ou le regroupement (ou concentration) dans des lieux déterminés, solution qui a l'avantage, en outre, de priver l'ennemi d'une partie de sa population mobilisable (d'autant plus intéressante qu'elle connaît le pays contre lequel on combat). Dès l'avant guerre des plans ont été élaborés en ce sens par les autorités militaires et l'Intérieur.


Au premier jour de la mobilisation (pendant seulement 24 heures) les étrangers des nations ennemies peuvent quitter librement le pays, uniquement par trains et en se dirigeant sur la frontière d'un pays neutre. Or les trains sont réservés pour la mobilisation. Très peu d'Austro-allemands profiteront de cette possibilité. Presque tous devront donc évacuer la zone des armées et la capitale : dans un climat xénophobe ils vont être transportés, courant août, dans des wagons à bestiaux, vers des centres de refuges improvisés, principalement dans l'Ouest et le Sud-Ouest.


Puis, dès le début du mois suivant, l'internement devient la règle pour tous les étrangers Austro-allemands, quel que soit l'âge et le sexe. On revient même sur les naturalisations accordées depuis le 1er janvier 1913 (sur plus de 800 cas, une centaine perdent leur nationalité). Toutefois, dans un cadre de réciprocité avec l'Allemagne, femmes enfants et vieillards (plus de 60 ans) seront rapatriés à la fin de l'année 1914. Resteront donc internés essentiellement, pour les années suivantes, les hommes en âge d'être mobilisés.


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