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La détention en France : Les camps d’internement français de la première guerre mondiale
Posté par acatparis5 le 9/2/2009 15:02:48 (10219 lectures)


Résistances


Il est naturellement difficile de supporter la privation de liberté (sans motif légal), dans l'oisiveté hormis la promenade quotidienne dans la cour (deux heures le matin et l'après-midi en été, une heure en hiver) ou les loisirs organisés par les internés eux-mêmes (groupes de musiciens, de théâtre, jeux divers). Mais le quotidien est morne, les conditions sanitaires et alimentaires souvent dénoncées par les internés et perçues comma cause de ombreux décès : 70 constatés au cours des 5 années de fonctionnement du camp, soit un taux d'un peu plus de 3 %, à peu près la norme de l'ensemble des camps.


On ne s'étonnera donc pas de résistances à l'internement qui prennent des formes variées. Il y a ainsi des résistances individuelles, comme les lettres de protestations adressées au Préfet, à l'exemple de celle de cet ingénieur chimiste, Krauterkraft, adressée en octobre 1918 :


«  Interné au camp de concentration de Précigné, y vivant dans une promiscuité des plus abjectes, endurant les pires souffrances, je viens, par cette requête, jeter un cri de détresse, et vous demander protection et justice. Ingénieur chimiste, n'ayant jamais subi la moindre condamnation, je suis arrêté à Paris le 30 janvier dernier, sous l'inculpation de propos pacifistes, jeté au dépôt d'abord, à la Santé ensuite, et recevant, après enquête rigoureuse, un non-lieu éclatant. N'empêche que depuis le 13 mars dernier, je croupis misérablement dans ma prison de Précigné. Homme calme, patient et taciturne, j'ai jusqu'à ce jour souffert en silence, pénétré de cette philosophie que, dans le cataclysme déchaîné sur le monde, les souffrances individuelles étaient submergées par la souffrance générale. Mais la souffrance, comme la patience, ont des limites. Possédant quelques notions juridiques, je sais pertinement que je suis détenu ici contre toutes les lois et contre toutes les conventions internationales.


Au moins prétendais-je avoir droit ici à des conditions humaines et supportables, conditions qui ne sont refusées aux pires malfaiteurs. Or depuis longtemps déjà, nous souffrons ici de la faim, mais depuis quelque temps la situation s'est sensiblement aggravée. L'ordinaire est tout à fait rudimentaire : le matin, quelques haricots avec deux navets, le soir, trois, quatre navets dans un peu d'eau boueuse. Nous crevons littéralement de faim, et la faim, M. le Préfet, est mauvaise conseillère, elle fait sortir le loup du bois. M. le Préfet, je souffre moralement, je souffre matériellement, je tombes d'inanition, mais je vous déclare très respectueusement, mais très fermement, que s'il faut que je meure ici, au moins jusqu'à la dernière minute de ma vie, je ne cesserai de clamer mon droit inaliénable à l'existence, à la vie que l'on me dérobe. Et je veux bien espérer que mon cri de détresse, cri de Justice aussi, trouvera un écho bienveillant auprès de vous, premier magistrat dans le département de la Grande République Française, de la France de la Grande Révolution, de la France des Droits de l'Homme et du Citoyen, Libératrice des Peuples et Pionnier de la Civilisation…”.


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