Menu Principal
Index thématique
Recherche sur le site
Les articles les plus consultés
Page « 1 ... 4 5 6 (7) 8 9 »
La détention en France : Les camps d’internement français de la première guerre mondiale
Posté par acatparis5 le 9/2/2009 15:02:48 (10218 lectures)


Les actes d'indiscipline constituent une autre forme de résistance. Les jours de cellule sont infligés pour des motifs très divers. Les uns relèvent du maintien des règles élémentaires de la vie en commun : des sanctions visent les coups donnés entre internés (“S'est battu dans sa chambre”, “A frappé un camarade à table”), le manque d'hygiène (“Fait preuve d'une saleté repoussante”, “A fait ses besoins dans sa paillasse”, “A refusé de prendre un bain”, “Malpropreté corporelle”, “A uriné dans un récipient et a distribué le contenu sous son lit”…) ou les vols (“Vols de pommes de terre”, “A volé du savon à un de ses camarades”) et trafics divers (“A vendu sa ration de viande”, “A vendu sa chemise pour 2, 25 F”). La mixité du camp explique les mises en cellule pour être “passé la nuit chez les hommes (ou les femmes)”. On punit également les refus de corvées (“Refus d'éplucher des pommes de terre”, “S'est caché pour ne pas assister à l'épluchage de pommes de terre”, etc.) et les dégradations de matériel du camp (“Bris volontaire de vitres”, “A brisé un isolateur et l'a brûlé”, “Détérioration de couvertures”, “A démoli une fenêtre de sa chambre”) qui sont davantage significatifs d'une résistance à l'internement. Cela est encore plus net, bien que les refus d'obéissance en soient les prémisses, pour les “réponses inconvenantes et tendancieuses” aux ordres, c'est-à-dire toutes les atteintes à l'autorité du personnel du camp : “Réponses impolies au personnel du camp”, “Insultes à une sentinelle”, “Allusions désobligeantes à l'égard de la gendarmerie"”, etc. Si l'on ajoute les évasions, on là l'essentiel du contenu d'un registre des punitions.


Les dégradations des immeubles (bris des vitres, boiseries des fenêtres brûlées) témoignent également d'une forme de résistance. Aux dires du directeur du camp, dans un rapport adressé en décembre 1917 au préfet : «  Dans les deux bâtiments beaucoup de fenêtres sont garnies de planchettes de bois au lieu de verre à vitre, ce qui donne mauvais aspect aux bâtiments. Il a été nécessaire de remplacer les carreaux par des planchettes, les internés ayant à différentes reprises brisé les vitres de leurs fenêtres. Dans les escaliers les boiseries des fenêtres manquent : elles ont été détruites par les internés et brûlées. L'administration du camp a essayé à différentes reprises de murer ces fenêtres; elle l'a encore essayé il y a une quinzaine de jours; chaque fois les murettes ont été détruites, si bien que les escaliers sont ouverts à tous les vents. Les internés d'ailleurs jettent la nuit, dans la cour et dans le jardin une grande partie de leurs déjections et ce par les fenêtres de leurs chambres et par les fenêtres de leurs escaliers »


Ajoutons les évasions : 117 au total tout au long de l'existence du camp (avec 77 internés non repris) illustration des faiblesses du système de garde, le général commandant le secteur déplorant l'inefficacité du réseau de barbelés et ajoutant même : «  on a essayé des chiens de garde, ils ont été empoisonnés  » (décembre 1916).




La protestation peut aussi prendre des formes collectives, et c'est le cas dans ce camp où se trouvent internés nombre de socialistes russes. Le point de départ de ces révoltes est souvent la solidarité avec les internés punis de cellule, ce qui est à l'origine de deux incendies à Précigné en juin et juillet 1916.


Les manifestations deviennent plus nombreuses et plus collectives après l'armistice, comme le relève bien un rapport du préfet à l'Intérieur du 21 janvier 1919 : « L'état d'esprit qui se manifeste actuellement au dépôt de Précigné est déplorable. Dès la signature de l'armistice, nombre d'internés réclamèrent leur mise en liberté. Appartenant à des pays alliés ou neutres, ils estimaient que les hostilités finies, rien ne justifiait plus une détention d'ordre administratif. Orientaux éloignés de Grèce, et sans nouvelles des leurs; Belges ou Russes fixés en France où certains d'entre eux se sont mariés, tous revendiquent le bénéfice du doute qui n'avait pas permis une poursuite en conseil de guerre, demandaient chaque jour, sur un ton plus impératif, un élargissement immédiat. Depuis cette époque tout fut prétexte à manifestation : un plat mal préparé ou considéré comme insuffisant, la mise au cachot ou en cellule d'un interné ayant commis une faute ou un délit, chaque circonstance exceptionnelle provoquait un incident . Dimanche, voulant me rendre compte sur place de la situation réelle, je me rendis à Précigné. Dans la cour principale, je fus accueilli par les cris répétés à l'infini de « Liberté » .


De nouvelles manifestations ont lieu en mars 1919 aux cris de Liberté et au chant de l'Internationale


Ces résistances ne sont pas propres à Précigné, elles existent également pour les camps disciplinaires et les camps de mobilisables. Les révoltes collectives se font surtout dans la dernière année d'internement, particulièrement après l'armistice.


Page « 1 ... 4 5 6 (7) 8 9 »
Format imprimable Envoyer cet article à un(e) ami(e)