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La détention en France : La protection de la dignité des personnes privées de liberté par Marianne Moline
Posté par acatparis5 le 20/9/2009 18:49:29 (3857 lectures)

La protection de la dignité des personnes privées de liberté

Par Marianne Moliner-Dubost

Maître de conférences de Droit public à l'Université Jean Moulin-Lyon 3
Ce texte fait suite à la conférence de Marianne Moliner-Dubost du Jeudi 10 septembre 2009 à la Maison fraternelle à l'initiative de l'ACAT Paris V en association avec l'ERF Quartier Latin-Port Royal.

L'ACAT Paris V remercie vivement Madame Marianne Moliner-Dubost pour la qualité de son intervention.

Résumé

Le nécessaire respect de la dignité humaine exige davantage que l'abstention de porter atteinte à l'intégrité (physique et mentale) et d'humilier la personne privée de liberté ; il requiert aussi d'assurer des conditions de détention matériellement décentes.
Les juridictions françaises commencent à se saisir de cette problématique ainsi qu'en témoigne la récente condamnation de l'administration pénitentiaire du fait de l'encellulement dans des conditions contraires à la dignité humaine (manque d'hygiène, insalubrité, promiscuité, absence d'intimité) à la maison d'arrêt de Rouen.
Par ailleurs, les modalités d’exécution de la mesure ne doivent pas soumettre le détenu à "une détresse ou une épreuve d’une intensité qui excède le niveau inévitable de souffrance inhérent à la détention". Il en résulte que les autorités doivent tenir compte de la vulnérabilité personnelle de l'intéressé, liée à son âge, à un handicap ou encore à une pathologie physique ou psychiatrique. Sur ce point également, les nombreuses condamnations de la France par la Cour européenne des droits de l'homme montrent qu'il reste beaucoup à faire...

La protection de la dignité des personnes privées de liberté

(gardées à vue, prévenues ou condamnées)

Je voudrais, en guise d'introduction, souligner l'actualité douloureusement récurrente de la question de la condition des personnes privées de liberté. Ces toutes dernières semaines, on aura relevé l'intervention de M. Alliot-Marie sur la prévention du suicide en prison, la condamnation par la CEDH du régime des DPS, la remise du rapport de la Commission Léger le 1er septembre, sur la réforme de la procédure pénale, qui contient quelques dispositions intéressantes du point de vue de notre propos (on pourra y revenir).

Quelques mois plus tôt, étaient intervenus le premier rapport d'activité du CGLPL (rendu le 8 avril 2009) et l'adoption en première lecture du rojet de loi (PL) pénitentiaire au Sénat (qui vient actuellement à l'Assemblée Nantionale). Signalons aussi les deux rapports très sévères du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe (Thomas Hammaberg) le 20 novembre 2008 à propos des conditions de détention et de rétention des personnes.

Et l'on trouverait, en remontant dans le temps, bien d'autres témoignages de l'acuité du pb de la préservation de la dignité des reclus : États généraux de la condition pénitentiaire, organisés par l’Observatoire international des prisons en octobre 2006, sans oublier les incontournables rapports des commissions d'enquête constituées à l'Assemblée nationale(rapport Le Floch) et au Sénat (rapport Cabanel) sur la situation des prisons françaises (en 2000) qualifiée d'humiliation pour la République...
Pourtant, la personne privée de sa liberté conserve le bénéfice de ses droits : il n'y a pas deux qualités de normes selon qu'une personne est libre ou privée de liberté, parce que gardée à vue, prévenue (placée en détention provisoire) ou condamnée. La "catégorie" des personnes privées de liberté est toutefois bien plus vaste : on pourrait aussi évoquer les personnes placées en cellule de dégrisement ou en rétention administrative. Bref, quelle que soit la raison pour laquelle elles sont enfermées, toutes ces personnes ont droit, comme toute personne humaine, au respect de leur dignité.

C'est à travers le Droit précisément que l'on va traiter de ce véritable sujet de société qu'est la protection de la dignité des personnes privées de liberté et j'en profite pour remercier l'ACAT, en la personne de M. Jean-Marc Peyron, de m'avoir invitée et permis d'être avec vous ce soir pour en parler.

Pourquoi aborder ce sujet sous l'angle du Droit ? Premièrement parce que la dignité est un droit, sinon même le premier de tous les droits de l'homme. Ensuite, parce que le droit est le remède, l'arme qui permet de protéger les droits des reclus : les textes (traités internationaux, lois, décrets, circulaires...) encadrent, réglementent la manière de traiter ces personnes. Les institutions qui sont mises en place par les textes vérifient le respect de ces dispositions et en dénoncent les violations : on peut citer à cet égard le CGLPL, la CNDS ou encore le comité européen pour la prévention de la torture. Enfin, les juges condamnent les violations des prescriptions prévues par les textes, sans omettre le retentissement de leurs décisions qui peut avoir un effet préventif. On évoquera ici principalement le rôle de la Cour européenne des droits de l'homme mais également celui des juridictions administratives (et spécialement de la 1e d'entre elles, cad le CE) dont la JP a bcp évolué dans le sens d'une plus grande garantie des droits des personnes privées de liberté.
Bref, le droit est ici incontournable ...
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