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La détention en France : La protection de la dignité des personnes privées de liberté par Marianne Moline
Posté par acatparis5 le 20/9/2009 18:49:29 (3857 lectures)



Concrètement, la dignité s’oppose à tout ce qui peut dégrader la personne humaine et l'humilier, à la réduire à l'état de chose (à la réifier), à nier son appartenance à l'humanité. C'est la raison pour laquelle la dignité est la notion centrale des droits de l'homme.

La dignité fonde notamment l'interdiction de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants. Cette prohibition est d'ailleurs expressément formulée dans la DUDH (art. 5) dans la Convention de l'ONU contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants du 10 décembre 1984, dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (art. 7) ainsi si que last but not least l, dans la Convention européenne des droits de l'homme (art. 3).

Peu de textes protègent expressément la dignité des personnes privées de liberté. En droit français, le CPP impose au service public pénitentiaire d'assurer le respect de la dignité inhérente à la personne humaine (art. D. 189). Le PL pénitentiaire évoqué tout à l'heure rappelle que "la personne détenue a droit au respect de sa dignité" (art. 10). Au plan international, le PIDCP dispose que "Toute personne privée de sa liberté est traitée avec humanité et avec le respect de la dignité inhérente à la personne humaine".

Curieusement, la Convention EDH qui est pourtant à la base d'une jurisprudence pléthorique sur la protection de la dignité des détenus, ne contient formellement qu'une seule disposition sur la privation de liberté, à savoir l'article 5 prohibant la détention arbitraire. C'est essentiellement sur le fondement de l'article 3 de la convention que la Cour de Strasbourg a bâti la protection de la dignité des personnes privées de liberté. Essentiellement mais pas exclusivement, car l'article 2 qui protège le droit à la vie est et l'article 8 relatif au droit au respect de la vie privée et familiale, ont également été sollicités pour protéger l'intégrité physique et morale des personnes privées de liberté. Il reste que c'est au visa de l'article 3, que la Cour a consacré le droit à des conditions de détention conformes à la dignité humaine.

L’article 3 de la Convention prohibe en termes absolus la torture et les traitements ou peines inhumains ou dégradants, ce qui signifie que cette interdiction ne souffre aucune dérogation, quels que soient les agissements de la victime, la nature de l'infraction reprochée, les circonstances, même les plus difficiles, lutte contre le terrorisme et le crime organisé, danger public menaçant la vie de la nation.

Pour tomber sous le coup de l’article 3, la peine ou le traitement doit atteindre un minimum de gravité, appréciée notamment en fonction de sa durée et de ses effets physiques ou mentaux, ainsi que, parfois, du sexe, de l’âge, de l’état de santé de la victime. Une fois dépassé le seuil minimum requis, il y a une gradation dans la gravité des traitements qui seront qualifiés soit de torture, soit de traitement inhumain soit de traitement dégradant.

La notion de torture suppose une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales outre la gravité des traitements infligées intentionnellement. Un traitement est inhumain, s'il provoque, avec préméditation sinon de véritables lésions du moins de vives souffrances physiques et morales. Il est dégradant s'il a pour objet ou pour effet de créer chez les victimes des sentiments de peur, d’angoisse et d’infériorité propres à les humilier et à les avilir. Dans tous les cas, la souffrance ou l'humiliation doivent aller au-delà de ce qui résulte inévitablement de la privation de liberté ou d'un traitement légitime.

Notre objectif général sera de préciser, à l'aide d'exemples concrets, quand ces seuils sont franchis, et donc quand il y a atteinte à la dignité des personnes privées de liberté et déterminer quels sont les garde-fous proposés pour les prévenir. Pour ce faire, on distinguera deux grandes catégories de situations : celles où l'atteinte à la dignité résulte de la méconnaissance d'une obligation d'abstention (= obligation négative), et plus précisément de l'obligation des autorités de ne pas recourir à la violence ou à des mesures coercitives de manière arbitraire ou inappropriée (I). La seconde catégorie de situations concerne les atteintes à la dignité qui résultent de la méconnaissance d'une obligation d'agir dans un sens déterminé (= obligation positive), et spécialement de l'obligation qu'ont les autorités de traiter le détenu avec dignité, de protéger son intégrité et même d'assurer son bien-être (II)

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