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Algérie : Réseau de soutien aux disparus : numéro 16 - mars 2006
Posté par Peyron le 14/3/2006 11:45:47 (1213 lectures)

Bulletin de liaison N°16 : Mars 2006

Nouvelles du réseau
Le groupe de Paris 5ème a reçu une réponse de la famille qu’il parraine : « …..Votre intérêt pour notre cause me va droit au cœur : cela veut dire que l’on est pas seule et ça donne du courage pour chercher la vérité…Continuez, chère Madame, de parler des disparus, n’arrêtez surtout pas…. »

Le groupe de Ste Anne d’Auray « …Il y a un an que nous écrivons régulièrement, malheureusement sans réponse, on ne se décourage pas mais on aimerait avoir des nouvelles de temps à autre »
Le groupe de Vichy : « … On continue à protester auprès du gouvernement algérien comme auprès de Maître Farouk Ksentini…si vous avez une famille qui souhaite une correspondance, nous sommes partants… »
Le groupe de St Brieuc, décidément très accrocheur, a reçu une lettre de la députée de leur circonscription disant qu’elle était prête à leur fixer une rendez-vous et qu’elle tentait depuis plusieurs mois d’aller en délégation rencontrer les Autorités algériennes, sans succès pour le moment.
Le groupe de Beaugency : « …Si nous n' avons plus la capacité de réaliser des actions grand public sur le plan local, nous devons, en tant que groupe, conserver notre rôle de veilleur, d'éveilleur, d'informateur et de formateur dans les Eglises des cantons Meung-Beaugency.
Des actions non négligeables ont été faites en 2005 :
Interventions le 26 juin ;intentions de prière proposées plusieurs fois dans l'année ; proposition des appels du mois dans les églises ;
Panneaux d'informations : envoi, au cas par cas, de lettres à nos hommes politiques… »
Le groupe de Cadours-Mauvezin : « … Toujours pas de nouvelles de notre correspondante Mme YAHIAOUI. J'ai envoyé 3 lettres en mai - juillet et septembre et aucune réponse à ce jour.Faut-il insister et se résigner à ce silence ou existe-il un espoir par d'autres voies ?... »
Le groupe de la Vallée de la Buche (Alsace) : « … nous nous réunissons tous les mois , intervenons dans les écoles secondaires, à la radio locale, au cours des cultes et messes et bien sûr, distribuons les appels du mois et appels urgents … »
Le groupe de Nantes : « …Nous n’avons pas de réponse de la famille parrainée….par contre les appels au Président Bouteflika et Messieurs Zerhouni et Ksentini continuent à être expédiés régulièrement… »

Malgré le silence de plusieurs familles, merci de ne pas vous décourager : Continuez à interpeller les Autorités algériennes qui cherchent à étouffer les voix des familles dans leur combat pour la vérité et la justice


Actions du mois

1°/ Une lettre à la Présidente de la Délégation « Maghreb » du Parlement européen pour qu’elle agisse
auprès du Conseil d’association de l’Accord entre l’UE et l’Algérie, lequel se tiendra le 21 mars prochain à Bruxelles
Adresse : Madame Luisa Fernanda Rudi Ubeda- Parlement européen Bât. Louise Weiss- Allée du Printemps- T 09017- BP 10024- 67070 Strasbourg cedex

Madame la Présidente,

Le 21 mars prochain se tiendra à Bruxelles la première réunion du Conseil d’association entre l’Union européenne et l’Algérie, résultat de l'accord en vigueur depuis 1er septembre 2005. Ce texte prévoit, dans son article 2, que le respect des droits de l’homme, tels qu’énoncés par la Déclaration Universelle des droits de l'homme, constitue un élément essentiel de l’accord. Par ailleurs une déclaration commune des parties dans l’acte final, à propos de l’article 104 – qui prévoit des mesures de rétorsion si l’une des parties ne remplit pas ses obligations-, précise que le non respect de l’article 2 constitue non seulement une violation substantielle de l’accord mais également un cas d’urgence spécial dans le cadre duquel des mesures appropriées peuvent être prises.

Or, le gouvernement algérien, est en train d'adopter par ordonnances, et sans débat national, les décrets d'application de la charte de réconciliation nationale adoptée par référendum le 29 septembre 2005. Certaines des mesures prévues par ces textes contreviennent à ses engagements internationaux et notamment avec l’article 2 de l’Accord d’association susmentionné. Ainsi, l'article 45 de l'ordonnance assure l’impunité des forces de sécurité, comme des membres des groupes armés, pour les exactions qu’ils auraient pu commettre pendant la guerre civile. De même, l'article 46 prévoit des sanctions pénales contre ceux qui par leurs déclarations, leurs écrits ou tout autre acte « instrumentaliseraient les blessures de la tragédie nationale, porteraient atteinte aux institutions de la République […] à l’honorabilité de leurs agents […] à l’image internationale de l’Algérie ».

Ces dispositions constituent une grave entrave à la liberté d'expression des victimes, de leurs familles, des journalistes, et des défenseurs des droits de l’homme. Les organisations de familles de disparus qui continueraient à protester, à faire des commentaires critiques sur la conduite des forces étatiques de sécurité pendant le conflit intérieur, et à faire campagne pour la recherche de la vérité et de la justice seront désormais menacées de poursuites pénales.

Membres de l’ACAT-France*, je vous demande d’intervenir auprès des membres européens du Conseil d’association pour 1) attirer leur attention sur la situation de l'impunité en Algérie, et 2) faire valoir la violation substantielle, par le gouvernement algérien, de l’article 2 et leur demander, s'ils le jugent nécessaire, de prendre des mesures appropriées telles que prévues à l’article 104.

En espérant que vous serez sensible à ma requête, je vous prie d’agréer, Madame la présidente, l’expression de mes salutations distinguées.


Nom :
Adresse :
Signatures :

* Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture et de la peine de mort ayant statut consultatif auprès de l’ONU et du Conseil de l’Europe



2°/ Dans la continuité des actions déjà initiées
Maintenir la pression auprès de vos élus pour obtenir un rendez-vous- à l’instar des groupes de St Etienne, St Brieuc Vienne et Paris- afin de leur exposer la contradiction qui existe entre le contenu des ordonnances que s’apprête à publier le gouvernement algérien et les engagements internationaux de l’Algérie en matière de droits de l’homme
A moyen terme :
Organiser dans vos villes comme dans vos lieux de culte des réunions publiques sur le thème des disparitions forcées avec éventuellement la présence de Nasséra Dutour – prévoir la prise en charge de son déplacement et l’hébergement – réunions qui pourraient être précédées ou suivies d’une représentation théâtrale « La beauté de l’icône » construite autour de la parole de mères de disparus ( me joindre au 06 71 01 94 72 pour obtenir un dépliant sur le contenu de la pièce et les conditions d’organisation)

Ordonnances : appel de quatre organisations internationales de défense des droits de l’homme*

Le 27 février, le cabinet algérien au complet réuni sous la Présidence d'Abdelaziz Bouteflika, a approuvé le « Décret de mise en ouvre de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale », évitant ainsi un débat et un vote au Parlement, qui n'est pas actuellement en session. Le contenu de la loi n'a pas été divulgué avant son adoption.
D'après les organisations signataires, les mesures favorisant l'impunité contenues dans cette loi constituent un revers majeur pour les droits humains en Algérie. Ces mesures incluent notamment une amnistie généralisée étendue aux membres des forces de sécurité et, vraisemblablement, des milices armées par l'Etat. De même, elle élargit les précédentes mesures d'amnisties partielles aux membres des groupes armés. Tous sont responsables de crimes au regard du droit international et d'autres graves atteintes aux droits humains, et n'ont pas, à ce jour, fait l'objet d'enquêtes. Le gouvernement a présenté cette loi comme « mettant en oeuvre » la « Charte pour la paix et la réconciliation nationale » du Président Bouteflika, charte que les électeurs algériens ont approuvé lors d'un référendum le 29 septembre 2005. Cependant, le texte de la charte ne mentionnait pas expressément d'amnistie pour les membres des forces de sécurité. Confirmant les craintes exprimées par les organisations signataires dans
un communiqué conjoint datant du 14 avril 2005, les nouvelles mesures proposées ne sont rien d'autre qu'un déni de vérité et de justice pour les victimes des abus et leurs familles. Elles visent à interdire aux victimes et à leurs familles de demander justice en Algérie et à empêcher que la vérité sur ces abus n'éclate devant les tribunaux algériens. Ces mesures, qui s'étendent aux crimes contre l'humanité et autres graves atteintes aux droits humains, sont contraires aux obligations internationales de l'Algérie d'enquêter sur ces abus et de déterminer la responsabilité de leurs auteurs, et de fournir aux victimes des voies de recours judiciaires…
L’organisation de l’impunité
Plutôt que d'aller dans la direction d'une prévention des futurs abus en mettant fin à cette impunité de fait, les autorités algériennes viennent de décréter une large amnistie pour les atteintes aux droits humains passées. Dans le chapitre intitulé « Mesures de mise en oeuvre de la reconnaissance du peuple algérien envers les artisans de la sauvegarde de la République algérienne démocratique et populaire », et d'après la version publiée par les journaux algériens, la loi énonce que:
Article 44 : Les citoyens qui ont, par leur engagement et détermination, contribué à sauver l'Algérie et à préserver les acquis de la Nation ont fait acte de patriotisme.
Article 45 : Aucune poursuite ne peut être engagée, à titre individuel ou collectif, à l'encontre des éléments des forces de défense et de sécurité de la République, toutes composantes confondues, pour des actions menées en vue de la protection des personnes et des biens, de la sauvegarde de la Nation et de la préservation des institutions de la République algérienne démocratique et populaire. Le texte ne mentionne pas explicitement les membres des milices civiles armées par l'Etat, appelés « Groupes de légitime défense ». Néanmoins, les phrases « artisans de la sauvegarde de la République algérienne démocratique et populaire » et « toutes composantes confondues » suggèrent que l'amnistie couvrirait en fait les abus commis par les membres de ces groupes.
La proposition de loi prévoit également d'amnistier les membres des groupes armés qui se sont livrés ou qui sont en prison, tant qu'ils n'ont pas « commis ou [.] été les complices ou les instigatrices des faits de massacres collectifs, de viols ou d'utilisation d'explosifs dans des lieux publics ». Mais ces exceptions, aussi appropriées soient-elles, ne s'étendent pas à d'autres graves crimes, suggérant ainsi que les membres de groupes armés qui ont tué une ou plusieurs personnes seront libérés tant que le caractère collectif de ces meurtres n'aura pas été avéré. L'amnistie couvrirait également d'autres crimes commis par des groupes armés, y compris la torture et l'enlèvement de personnes dont le sort demeure inconnu…
Compensations financières : certes mais selon quels critères ?
…La loi prévoit l'octroi de compensations financières aux familles de « disparus », beaucoup se trouvant dans une situation économique difficile. Mais il n'y a aucune garantie que de telles compensations seront proportionnelles à la gravité des abus et des blessures endurées, en cohérence avec les standards internationaux. Le paiement des compensations est conditionné à l'obtention par les familles de certificats de décès pour leurs « disparus », une mesure rejetée par nombres d'entre elles tant que l'Etat n'aura pas dit la vérité sur le sort des leurs. Le texte ne fait aucune mention du droit des familles à ces informations. Après des années de promesses non tenues par des officiels de l'Etat algérien de faire la lumière et la vérité sur cette question, cette nouvelle mesure vise à tirer définitivement un trait sur la recherche de la vérité, les dispositions citées plus haut interdisant aux familles d'intenter tout recours en justice afin d'obtenir des informations, et ce, que ce soit en matière civile ou en matière pénale.
Risques de poursuites pénales à l’encontre des familles de disparus
Plus inquiétant encore, la proposition de loi ne chercherait pas seulement à mettre un terme aux poursuites judiciaires mais également à tout débat public portant sur les crimes du passé. L'article 46 énonce que :
Est puni d'un emprisonnement de trois à cinq ans et d'une amende de 250 000 à 500 000 dinars quiconque qui, par ses déclarations, ses écrits ou tout autre acte, utilise ou instrumentalise les blessures de la tragédie nationale, pour porter atteinte aux institutions de la République algérienne démocratique et populaire, fragiliser l'Etat, nuire à l'honorabilité de ses agents qui l'ont dignement servie, ou ternir l'image de l'Algérie sur le plan international.
Cette disposition prive les victimes et leurs familles, les défenseurs des droits humains, les journalistes, ainsi que tout algérien et toute algérienne du droit de rapporter, de protester, ou de faire des commentaires critiques sur la conduite des forces étatiques de sécurité pendant le conflit intérieur. Elle menace même de pénaliser les familles de « disparus » qui continueraient de faire campagne pour la recherche de la vérité sur le sort des leurs. A un moment où les autorités algériennes n'ont de cesse de poursuive de manière agressive les journalistes travaillant pour des media privés qui critiquent l'Etat et alors même que les media publics ne permettent aucune voix dissidente, ces nouvelles dispositions législatives réduiraient encore davantage l'espace de la libre expression en Algérie, et la possibilité de poursuivre la recherche de la vérité concernant les évènements passés.
Nouvelle atteinte à l’Etat de droit
Selon l'article 47 du décret, le président est autorisé, « en vertu du mandat qui lui a été conféré par le référendum du 29 septembre 2005 », à prendre « à n'importe quel moment, toutes les mesures nécessaires pour mettre en ouvre la Charte pour la paix et la réconciliation nationale ». Cela constitue une atteinte à l'Etat de droit en Algérie et ouvre la voie à d'autres mesures de nature à assurer l'impunité des responsables de ces abus ou restreindre la liberté d'expression. Une disposition similaire en 1999, connue sous le nom de « Loi de concorde civile » a conduit le Président Bouteflika, en janvier 2000, à accorder une amnistie générale à tous les membres de deux groupes armés qui avaient accepté de déposer les armes, sans tenir compte de leur possible implication dans des atteintes graves aux droits humains.
L’Etat algérien en contradiction avec ses engagements internationaux
Les organisations signataires reconnaissent que les épreuves du passé en Algérie devraient être réglées selon des modalités définies par les algériens eux-mêmes. Cependant, un référendum national, comme celui qui s'est tenu le 29 septembre 2005, ne doit pas être le moyen pour un gouvernement de se soustraire à ses obligations internationales en adoptant une législation nationale qui y contrevient. Le respect et la protection des droits humains fondamentaux, de même que le droit à la vérité et à la justice, ne peuvent être soumis à un vote à la majorité. Les amnisties, les grâces et autres mesures nationales similaires menant à l'impunité pour les auteurs de crimes contre l'humanité et autres graves atteintes aux droits humains, actes de torture, exécutions extrajudiciaires, « disparitions », bafouent les principes fondamentaux du droit international. Un certain nombre d'autorités, telles que le secrétaire général des Nations unies, des organes des Nations unies ainsi que des organes régionaux faisant autorité et des tribunaux internationaux ont établi qu'aucune amnistie ou mesure similaire ne devrait accorder l'impunité aux auteurs d'atteintes graves aux droits humains…
Les organisations signataires réitèrent leur appel au gouvernement algérien de faire respecter le droit pour toutes les victimes des atteintes graves aux droits humains à la vérité, à la justice et à une réparation pleine et entière. Les organisations considèrent ces garanties comme essentielles à tout processus de réconciliation. Il est regrettable qu'avec cette proposition de loi, l'Algérie prenne la direction opposée en assurant une large impunité et en mettant un terme aux efforts d'enquêtes et aux débats sur les questions de l'histoire récente du pays

*Amnesty International Fédération Internationale des Droits de l’Homme, HumanRights Watch, Centre International de Justice Transitionnelle


Extraits de l’Accord d’association UE/Algérie


Article 2 : le respect des principes démocratiques et des droits fondamentaux de l’homme, tels qu’énoncés dans la déclaration universelle des droits de l’homme, inspire les politiques internes et internationales des parties et constitue un élément essentiel du présent accord

Article 93 : Le Conseil d’association est composé, d’une part, de membres du Conseil de l’union européenne et de membres de la Commission de l’Union européenne et, d’autre part, de membres du gouvernement algérien.

Article 94 : Pour la réalisation des objectifs fixés par l’accord et dans les cas prévus par celui-ci, le Conseil d’association dispose d’un pouvoir de décision. Les décisions prises sont obligatoires pour les parties, qui sont tenues de prendre les mesures que nécessite leur exécution. Le Conseil d’association peut également formuler toute recommandation utile.
Il arrête ses décisions et formule ses recommandations d’un commun accord entre les parties.

Article 104 §2 : Si une partie considère que l’autre partie n’a pas rempli l’une des obligations que lui impose le présent accord, elle peut prendre des mesures appropriées. Auparavant, elle doit, sauf cas d’urgence spéciale, fournir au Conseil d’association toutes les informations pertinentes nécessaires à un examen approfondi de la situation en vue de rechercher une solution acceptable par les parties.

Acte final : Déclaration commune relative à l’article 104 de l’accord
1. les parties conviennent , aux fins de l’interprétation et de l’application pratique de l’accord que les cas d’urgence spéciale visés à l’article 104 de l’accord signifient les cas de violation substantielle de l’accord par l’une des parties. Une violation substantielle de l’accord consiste dans :
∑ Le rejet de l’Accord non autorisé par les règles générales du droit international
∑ La violation des éléments essentiels visés à l’article 2 de l’accord




Contact : François Ferrand-ACAT Paris V : fjm.ferrand@free.fr


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