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Algérie : Réseau ACAT de soutien aux disparus en Algérie : Bulletin 19 - juin 2006
Posté par Peyron le 19/6/2006 11:19:13 (1478 lectures)

Réseau ACAT-Algérie
Bulletin de liaison N°19 : Juin 2006
Réalisé par François Ferrand – ACAT Paris V
Courriel : fjm.ferrandarobasefree.fr


Revue de Presse

La coordination des familles de disparus en appelle à Kofi Annan
Liberté, El Khabar 24.4) Une liste nominative de 7100 noms de personnes"disparues", dont 3000 sont officiellement considérées comme décédées, a été établie par la Commission chargée de faire le bilan de la mise en oeuvre de la Charte sur la paix et la réconciliation. Ce chiffre de 7100 "disparus" rejoint celui donné par la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l'Homme (CNCPPDH, officielle), mais est considérablement plus bas que celui avancé par les organisations de familles de "disparus", qui situent le nombre de "disparitions" dans une fourchette de 15 à 20'000 personnes.
La Coordination nationale des familles de "disparus" a écrit au Secrétaire général des Nations Unies Kofi Annan pour l'alerter sur "la gravité des lois découlant de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale", qui ne répond pas aux exigences de "révélation de la vérité et d'établissement de la justice". La Coordination appelle à la création d'un tribunal international capable de juger ceux qui sont responsables de la crise algérienne. Elle dénonce la fermeture du débat sur la question des "disparus" et l'octroi, dans le cadre de la Charte pour la paix et la réconciliation, de privilèges aux criminels sur le dos de leurs victimes.

Les mesures d’application de la Charte de réconciliation nationale se concrétisent
(El Watan, El Khabar 9.4 / Le Courrier 17.4 / Liberté 18.5 / Liberté 19.4 /
Liberté 23.4 / Quotidien d'Oran) 2025 personnes ont été relaxées au titre des dispositions de la charte pour la paix et la réconciliation nationale, a annoncé le ministre de la Justice Tayeb Belaïz le 8 avril. Ce chiffre a été porté à 2200 le 23 avril par la Commission nationale de suivi de la Charte présidentielle. Plusieurs personnes libérées (au moins quatre) ont cependant été ensuite à nouveau arrêtées. Tayeb Belaiz a expliqué que leur mise en liberté était une "erreur des magistrats" et que les « libérés-réarrêtés » n'étaient en réalité "pas concernés par les mesures de la réconciliation nationale", car impliqués dans des affaires d'usage d'explosifs et d'opérations armées, exclues des dispositions de la charte présidentielle. En outre, les quatre personnes concernées étaient recherchées par des justices étrangères (française et américaine) pour des affaires liées au "terrorisme".Ces déclarations ont été confirmées une semaine plus tard par le ministre de l'Intérieur Nourredine Yazid Zerhouni. Les diverses mesures d'application de la charte présidentielle sont en cours de concrétisation, et les anciens prisonniers sont progressivement réinsérés dans la société. Leur libération entraîne, a annoncé le ministère de la Justice, leur "réhabilitation de plein droit", et recouvrent notamment leurs droits civiques (les précédentes mesures de clémence octroyées par le pouvoir n'avaient pas automatiquement cet effet), mais la concrétisation de ces mesures prend du temps. Le ministère de la Justice a ainsi annoncé que les contenus des casiers judiciaires allaient être modifiés "au niveau des cours de justice", et non d'un coup. Les deux catégories de population les plus nombreuses concernées par les dispositions de la Charte présidentielle sont les familles de "terroristes" et les familles de "disparus". Plus de 7000 personnes proches de "terroristes" abattus par les forces de sécurité (une liste nominative de 17'000 "terroristes" abattus a été établie par les autorités) se sont présentées au niveau des commissions qui, dans chaque wilaya, engagent les procédures d'enquête sociale pouvant donner droit à une allocation de solidarité nationale, prévue pour les famines démunies dont un membre est "listé" comme "terroriste" abattu. La Commission nationale de suivi de mise en oeuvre de la Charte a préventivement dénoncé comme une "manipulation" toute action "prétendument menée par une association ou une quelconque partie en vue de recenser les familles concernées". S'agissant des "disparus", une liste de 7100 cas a été diffusée par la Commission nationale. 3000 de ces cas ont fait l'objet de jugements de décès. Plusieurs catégories socio-professionnelles, et groupes de population, estiment par ailleurs rester en marge du processus de réconciliation.
Ainsi, 300 policiers ayant fait l'objet d'évictions disciplinaires demandent leur réintégration dans leur corps d'origine, dans le cadre de l'application de la charte présidentielle. Le mouvement, qui s'est donné comme porte-parole un ancien commissaire principal et responsable de la direction générale de la sûreté nationale, M. Ziari, précise qu'il exclut des rangs de ceux qu'ils défend les policiers ayant été reconnus coupables de désertion ou d'implication dans des actes criminels, et affirme qu'il adhère pleinement à la politique de "réconciliation" prônée par le président Bouteflika. M. Ziari n'en affirme pas moins qu'"un égorgeur de bébés ou d'intellectuels ou ceux qui ont détruit des institutions publiques
ne peuvent être prioritaires et bénéficier de largesses au détriment des policiers qui ont contribué au rétablissement de la sécurité et de la paix au prix de leur vie", et que "comme le Président a tendu la main aux criminels, il serait souhaitable qu'il l'a tende aux défenseurs de la République". Des milliers de travailleurs de la fonction publique licenciés pour leur appartenance au FIS revendiquent également leur réintégration dans leurs emplois, ou à défaut dans un autre emploi, ou une indemnisation. Le ministre du Travail, Tayeb Louh, a annoncé l'installation dans chaque wilaya d'une commission pour étudier les dossiers des personnes qui ont été détenues, condamnées par un tribunal et/ou qui ont bénéficié des dispositions de la concorde civile. Plus de 5000 personnes déclarant avoir fait l'objet de mesures de licenciement pour des faits "liés à la tragédie nationale" se sont déjà présentées au niveau des commissions. Le ministre a précisé que "parmi ces personnes, certaines seront réintégrées à leur poste d'origine ou dans une autre direction de la même administration. Quand cela (ne sera) pas possible, une indemnisation sera proposée", ou les intéressés pourront faire valoir leurs droits à la retraite. Enfin, les membres des milices locales mobilisées dans la lutte contre le "terrorisme" estiment également faire partie des laissés-pour-compte de la
"réconciliation nationale". La Commission nationale de suivi de la mise en oeuvre de la Charte leur a rendu un hommage et a assuré qu'ils bénéficieraient d'une protection spécifique. Le Premier ministre Ouyahia les invite à "faire preuve de discernement devant les approches insidieuses dont il sont parfois l'objet".

Mémorandum d’Amnesty sur la torture en Algérie
AI 18.4 / El watan 25.4) Amnesty International écrit au président algérien pour lui faire part de ses préoccupations relatives à la torture. Dans un mémorandum de 34 pages adressé au président Bouteflika, Amnesty fournit des détails sur des cas de torture et de détention secrète, et accuse le DRS (Sécurité Militaire) de recourir à ce genre de pratiques. L'organisation reproche aux autorités d'être incapables d'engager des investigations sur les cas de torture portées à leur connaissance. Elle dénonce l'absence de garanties sur la tenue de procès équitables, le dépassement des délais de garde à vue (12 jours, ce qu'elle considère comme déjà excessif), la détention de suspects non inculpés dans des lieux de détention secrets, sans information à la justice.

Communiqué de SOS Disparus

Au mépris des textes présidentiels, la police délivre elle-même les certificats de décès !

SOS Disparu(e)s et les familles de disparu(e)s qu’elle représente dénoncent les manoeuvres indignes des autorités algériennes, qui, pressées d’en finir avec l’encombrant dossier des disparu(e)s, ne reculent plus devant rien pour délivrer les fameux certificats de décès aux familles de disparues.

Ainsi, alors que l’ordonnance présidentielle du 28 février dernier énonce que la famille du disparu doit requérir auprès du tribunal la délivrance d’un jugement de décès, prononcé par un magistrat sur la base d’un procès-verbal de disparition établi lui-même par la police à l’issue de recherches demeurées infructueuses (art. 30 et s.), la police choisit d’emprunter des raccourcis en délivrant elle-même ces certificats de décès aux familles!

Ainsi, Madame Lounes Fatima épouse Sellami a été convoquée le 13 mai 2006 par la police de Meftah où les agents lui ont délivré un certificat de décès pour son mari disparu depuis 1996, M. Messaoud Sellami, dans lequel la police indique qu’après recherches, son mari appartenait à un groupe terroriste et était mort au maquis. C’est avec une grande perplexité que Mme Lounes a reçu ces affirmations alors qu’à peine une semaine auparavant, elle s’était déjà rendue dans ce commissariat pour obtenir des informations sur son mari. Elle s’était alors vue notifiée par les forces de l’ordre qu’ils étaient toujours à sa recherche et sans aucune nouvelle de lui. Lorsque Madame Lounes interrogea les agents de police pour comprendre ce qui avait bien pu se passer, si des preuves avaient été trouvées, les agents lui fournirent une réponse évasive, semblant avoir quelques difficultés à justifier deux informations totalement contradictoires en si peu de temps.

Dans la wilaya d’Oran, plusieurs familles en quête de la vérité sur le sort de leurs proches disparus - les familles Diab Ben Amrane et Boudali par exemple - se sont rendues auprès des autorités pour demander des nouvelles de leurs disparus. Elles se sont vues refouler sans ménagement par les agents leur déclarant que leurs enfants étaient tous morts et qu’ils ne devaient plus venir les chercher.

Ainsi, plus de 2 mois après l’adoption des textes présidentiels, sans doute déroutées par le refus de nombreuses familles de déclarer leurs proches décédés sans aucune preuve, les autorités algériennes semblent vouloir accélérer le processus de délivrance des certificats de décès au mépris même du droit édicté par le Président.

SOS disparu(e)s tient à réaffirmer ici que le recours à des procédés aussi misérables et outrageants pour les familles ne l’empêchera pas de poursuivre sa quête pour que la vérité et la justice soit faite pour les milliers de personnes disparu(e)s en Algérie. (Alger, le 21 mai 2006)

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