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Asile en France : La lutte contre la double peine par Lilian Mathieu
Posté par acatparis5 le 18/6/2007 16:12:46 (3907 lectures)



  • En premier lieu, la double peine ne respecte pas le principe non bis in idem, c’est-à-dire l’interdiction de principe de condamner deux fois pour le même délit. Or l’éloignement du territoire français correspond bien dans les faits à une seconde sanction, qui vient s’ajouter à la première qui est la prison — d’où l’idée de « double peine ».

  • Ensuite, l’éloignement du délinquant étranger attente à un second principe du droit qui est que l’on doit condamner le délinquant pour ce qu’il a fait, et non pour ce qu’il est. Or ne peuvent — par définition — être condamnés à l’éloignement du territoire français que les étrangers, et non les Français. Le principe de la condamnation à la double peine tient donc davantage à ce qu’est le délinquant — un étranger — qu’à son délit, à ce qu’il a fait.

  • Dans ces conditions, la double peine introduit une inégalité devant la loi, puisqu’un Français et un étranger qui ont commis le même délit ne seront pas sanctionnés de la même manière : ils feront tous les deux de la prison, mais en plus l’étranger pourra être expulsé. Elle est donc une mesure discriminatoire.


On le voit, avec la double peine, on est d’emblée plongé au cœur des problématiques de la nationalité : la double peine, comme l’avait noté le sociologue Abdelamalek Sayad dans son livre La double absence, est une de ces pratiques où s’exprime le mieux la pensée d’Etat, une de ces pratiques par lesquelles s’exprime avec une extrême violence la différence fondamentale entre le national et l’étranger. Elle exprime plus encore la place singulière qui revient aux immigrés au sein de la société française, et la manière dont cette société les conçoit. Selon Sayad, en effet, c’est l’immigration qui constitue la « faute » première, « quasi ontologique », de l’étranger délinquant, et c’est cette faute originelle que l’expulsion lui fait payer en même temps que son délit : « Tout se passe comme si l’immigré étant déjà en faute du seul fait de sa présence en terre d’immigration, toutes les autres fautes étaient comme redoublées, aggravées en raison de cette faute première que serait l’immigration ». La délinquance de l’étranger apparaît ainsi comme une violation intolérable de l’hypercorrection qui sied à celui dont la présence, parce qu’il ne se trouve pas là où il devrait être, c’est-à-dire « chez lui », n’est pas totalement légitime. Elle est, dit Sayad, non seulement une violation de la loi, mais une faute de politesse, une infraction au code des bonnes manières de se conduire hors de chez soi. Elle est un acte déplacé, comme on dit d’une conduite impolie, mais aussi en ce qu’elle est un acte commis par une personne qui n’est pas à sa place, qui n’est pas « restée à sa place » (au sens géographique, mais aussi social, de l’expression).

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