Le travail en prison : une zone de non droit par Philippe Auvergnon

Date 18/6/2007 16:13:14 | Sujet : La détention en France

Transcription de la conférence donnée par Philippe Auvergnon, Directeur de recherche au CNRS, Directeur du centre de droit comparé du travail et de la sécurité sociale de l'Université Montesquieu – Bordeaux IV, le 16 novembre 2006 à la Maison fraternelle à Paris.
Cette conférence a été organisée par l’ACAT Paris V en association avec l’ERF Quartier Latin-Port Royal.
L’ACAT Paris V remercie vivement Philippe Auvergnon pour son soutien.

La programmation de cette conférence coïncide, par les hasards heureux du calendrier, avec la campagne médiatique de l’OIP autour des États généraux de la condition pénitentiaire.
Espérons que cette campagne se traduira par des engagements concrets de la part de la classe politique ce qui est loin d’être acquis. La question de la prison ou des prisons resurgit en France sur le devant de la scène cycliquement sans que des réponses de fond y soient véritablement apportées. C’est ainsi qu’au début des années 2000, plusieurs rapports parlementaires de grande qualité ont été publiés sur ce sujet mais paraissent comme d’autres avoir sombré déjà dans l’oubli.
La question de la prison a évolué au cours du siècle dernier, notamment après 1945. On constate d’ailleurs parfois qu’il semble que des hommes politiques soient eux-mêmes incarcérés pour que ceux-ci prennent la pleine mesure de la question carcérale.

Dans les conclusions des États généraux de la condition pénitentiaire, figurent en bonne place, parmi les préoccupations des détenus, le problème de la réinsertion sociale, celui de l’emploi pénitentiaire et de la formation professionnelle.
Au travers des questionnaires qui ont été diffusés auprès des détenus, il est intéressant de noter que ceux-ci ne dissocient pas leur aspiration à la formation professionnelle de celle de l’accès à un travail durant leur incarcération.
Or chacun sait que le rôle premier assigné au travail pénitentiaire consiste à assurer avant tout la « paix sociale » à l’intérieur des murs au même titre que le sport par exemple. Par ailleurs, le travail contribue, au travers des rémunérations versées aux détenus, à éviter la pauvreté absolue et à maintenir ainsi leur dignité.
L’étude réalisée avec Caroline Guillemin sur le travail pénitentiaire a été soutenue financièrement par le GIP du ministère de la Justice. Caroline Guillemain est une juriste de droit pénal alors que moi-même je suis un spécialiste de droit du travail. Aujourd’hui Caroline Guillemin est auditrice de justice à l’école nationale de la magistrature et cette fonction lui impose d’observer une obligation de réserve. J’espère que ce travail lui sera en tous cas profitable dans le cadre des fonctions qu’elle sera amenée à exercer par la suite.


L’organisation technique du travail en prison

Cette organisation qui a peu évolué dans le temps, se décompose de la manière suivante :
Le service général c’est à dire toutes les activités liées à l’entretien de la prison et des détenus (nettoyage, cuisine, lingerie, jardinage..). On remarquera que ce service général permet à l’État de réaliser des économies très substantielles sur son budget fonctionnement. En effet, la rémunération mensuelle moyenne des détenus telle qu’elle est annoncée par l’administration pénitentiaire se situe à 178 euros par personne. En contre partie de quoi, l’État n’a pas à inscrire sur son budget les emplois correspondant aux tâches effectuées par les détenus. Bien sûr, les détenus ne peuvent ni accéder à certaines fonctions comme la comptabilité par exemple, ni être employés dans les services médico-sociaux, …
Le service de l’emploi pénitentiaire encore désigné aujourd’hui sous le vocable de « régie industrielle des établissements pénitentiaires ». L’État est alors l’employeur direct des détenus pour le compte desquels il écoule leurs productions. Ce système a été mis en place en 1951.
Le travail en concession. Dans ce cas, l’administration pénitentiaire fournit de la main d’œuvre (les détenus) à des entreprises extérieures en contre partie d’une redevance. Le rôle joué par l’administration pénitentiaire est donc très proche de celui d’une entreprise de travail temporaire. Le travailleur « envoyé en mission » est lié alors à l’entreprise de travail temporaire par un contrat de travail. Dans le cas spécifique qui nous occupe, l’administration pénitentiaire déroge aux règles générales puisque aucun contrat n’est signé entre elle et le détenu « envoyé en mission ». C’est le royaume de la flexibilité !
J’ai rencontré au cours de cette enquête un concessionnaire dans un centre de détention qui m’a indiqué qu’il avait employé jusqu’à 189 personnes et seulement 15 aujourd’hui. Mais il espère pouvoir « réembaucher » 50 personnes d’ici un an. Ces variations se produisent sans que jamais un moindre contrat de travail ne soit signé avec le détenu. Les concessionnaires pas plus que l’administration pénitentiaire ne sont tenus de prévenir à l’avance le détenu de l’arrêt ou de la reprise du travail. Ce dernier apprend juste au moment où il est censé rejoindre l’atelier comme il l’a fait au cours des jours précédents qu’il devra rester en cellule aujourd’hui, cette situation pouvant se prolonger indéfiniment sans qu’aucune des parties, concessionnaire ou administration pénitentiaire, n’ait à justifier leur décision. L’offre de travail en concession est en crise compte tenu de la détérioration générale de l’emploi en France.
Le travail pour son propre compte , une pratique déjà ancienne prévue par le code de procédure pénale mais qui a bénéficié depuis 2002 d’un assouplissement des règles de mise en oeuvre. Il suffit d’obtenir l’accord du chef d’établissement.
Le travail pour une association qui peut être autorisé dans la mesure où il peut contribuer à la réinsertion professionnelle du détenu.
Le travail en semi-liberté ; dans ce cas, les règles contractuelles appliquées sont très proches de celles exigées par le code du travail.

L’étude que nous avons réalisée et qui s’est déroulée sur une période de deux ans, porte exclusivement sur le travail au sein de la prison, avec toutes ses difficultés de mise en œuvre comme l’a fort bien décrit le sénateur Paul Loridan dans le rapport qu’il a consacré à ce sujet en 2002. Le sénateur Paul Loridan avait estimé alors qu’environ 10 000 demandes d’emploi émanant des détenus n’étaient pas satisfaites faute d’offre. En 2000-2001, un détenu sur deux pouvait accéder à une forme ou une autre de travail au moins une fois dans l’année d’après les statistiques de l’administration pénitentiaire. Il faut toutefois être prudent dans l’interprétation de ces données car l’administration pénitentiaire ne fonde pas ses statistiques sur le principe de l’équivalent temps plein. Pour être compté dans l’ensemble de la population qui a accès à un emploi, il suffit que le détenu ait travaillé au moins une fois dans l’année pour une durée non déterminée. Aujourd’hui, ce taux d’emploi serait tombé à 35 % compte tenu du mouvement actuel de délocalisation vers l’Europe de l’Est ou vers l’Asie.
D’après les chiffres fournis par l’administration pénitentiaire en 2005, 45 % des détenus employés le seraient pour le compte de concessionnaires, 31 % au titre du service général, 13 % en formation professionnelle rémunérée et enfin 6% par la Régie Industrielle des Etablissements Pénitentiaires (RIEP).
Les emplois en prison sont les premiers affectés en cas de ralentissement d’activité, les donneurs d’ordre préférant alors rapatrier l’activité au sein de leur entreprise afin de préserver l’emploi de leurs propres salariés. L’emploi pénitentiaire est également concurrencé par l’offre du secteur de l’emploi dit « protégé » qui a pour objectif de fournir du travail à des personnes handicapées. Les acteurs de ce secteur prennent depuis quelques années de nombreuses initiatives.

L’emploi pénitentiaire souffre également des contraintes de sécurité qui restent primordiales pour l’administration. La rotation élevée des personnes détenues au sein des maisons d’arrêt en particulier, comme leur faible qualification professionnelle ne facilitent ni l’organisation du travail ni son développement. Enfin, une partie de la population carcérale n’est pas intéressée par le travail compte tenu des habitudes contractées avant l’incarcération. Le « travail bourgeois » avec ses horaires fixes est en effet considéré par certains détenus comme peu valorisant. Certains mêmes « recrutent » directement d’autres détenus pour qu’ils assurent auprès d’eux des tâches d’aide ménagère.

Le cadre juridique de l’emploi pénitentiaire


L’étude que nous avons menée, s’est attachée à analyser avant tout le cadre juridique dans lequel s’inscrit ce travail : quels sont les textes auxquels l’administration pénitentiaire se réfère pour l’organiser ?
Le choc a été de constater que la situation analysée à l’occasion du rapport réalisé par le Conseil économique et social en 1987 et qui pointait le vide juridique, reste inchangée aujourd’hui :
– Aucune qualification juridique claire du travail pénitentiaire
– Aucun contrôle du travail
– Aucune procédure en cas de modification des relations de travail (rupture, reprise, suspension ...)
– Pas de possibilité d’expression collective possible pour les détenus qui travaillent
– Pas de salaire minimum garanti
– Pas de moyens de recours en cas de contentieux

La majorité du personnel pénitentiaire qui se trouve sur le terrain, est conscient de cette situation juridique précaire et essaie de faire pour le mieux.
Au niveau de l’administration centrale, on n’a plutôt le sentiment que les responsables cherchent souvent à se protéger et invoquent souvent le corporatisme des personnels et les relations difficiles avec les syndicats.
Seul le code de procédure pénale contient des dispositions relatives au travail en prison.
Les plus significatives de ces dispositions sont les suivantes qui verrouillent tout le dispositif :
– « les relations de travail des personnes incarcérées ne font pas l’objet d’un contrat de travail »
– « Les relations entre l’organisme employeur et le détenu sont exclusives de tout contrat de travail »
Paradoxalement, alors que l’idée de contrat de travail est exclu du code de procédure pénale, on trouve par ailleurs, dans ce même code de procédure pénale, des références au code du travail notamment en matière d’hygiène et de sécurité.
Si en matière de durée du travail, nous avons pu constater que les détenus n’étaient pas soumis à un régime excessivement éprouvant, en revanche les conditions d’hygiène et de sécurité restent très préoccupantes. Il n’est pas rare, par exemple, de voir certains détenus fumer dans un atelier à proximité d’un tas très important de copeaux de bois et d’autres de travailler sans masque pendant quatre heures d’affilée dans un atelier de vernissage de chaises. Cette situation est tout à fait inenvisageable dans une PME en France aujourd’hui.

Ainsi, s’il est fait référence au code du travail en matière d’hygiène et de sécurité, force est de constater qu’il est peu respecté.
En ce qui concerne l’organisation du travail, les rémunérations versées, les textes auxquels l’administration se réfère, sont exclusivement des circulaires et des notes de service qui ne sont pas diffusées de façon systématique. Ce qui fait que certains centres de détention ne disposent pas nécessairement de toutes les notes et de toutes les circulaires applicables en la matière.
La responsabilité de l’évolution du seuil minimum de rémunération (le SMR) échoue à une personne de l’administration centrale qui tient compte de l’évolution du SMIC.
Ce SMR est en pratique purement indicatif, du fait notamment du système de calcul à la pièce ; c’est ainsi qu’un chef d’établissement désireux avant tout de fournir de l’occupation aux détenus dont il a la charge, peut décider d’accepter un contrat de concession dans des conditions qui conduiront à verser une rémunération inférieure au SMR. A l’inverse, il existe des établissements qui disposent de locaux adéquats pour y installer des ateliers et pratiquent des rémunérations supérieures à celle du SMR. Dans l’un d’entre aux, certains détenus travailleurs à temps plein bénéficiaient d’un salaire équivalent au SMIC tandis que d’autres, dans un atelier voisin, ne recevaient que 232 euros par mois.
Au sein même de l’administration pénitentiaire centrale, l’ensemble des différentes circulaires et notes de service ne sont pas systématiquement archivées et il arrive que les plus anciennes, toujours en vigueur, ne soient plus disponibles. Dans ce cas, la pratique consiste alors quelquefois à rédiger une nouvelle note ou circulaire pour remédier à cette situation. Il n’est pas exclu d’ailleurs que la nouvelle note rédigée par l’administration centrale puisse être en contradiction avec la précédente, faute d’avoir été en mesure de mettre la main sur la première version. De telles pratiques se situent de fait en dehors des règles généralement admises du droit et ceci sans volonté, de la part du personnel de l’administration pénitentiaire, de « nuire ».

Les initiatives pour remédier à cette situation générale ne manquent pourtant pas puisque deux plans d’amélioration des conditions de travail (PACTE) ont été mis en place successivement. Le second plan qui porte sur la période 2000-2003, a fixé des objectifs à l’administration pénitentiaire pour clarifier l’existant (on a ainsi en principe mis en place des « supports d’engagement », écrits reprenant les éléments essentiels liés au travail). En fait, la mise en œuvre de toutes ses mesures dépend de façon quasi-exclusive de la politique suivie par le chef d’établissement. En particulier, il est impossible de réaliser une typologie de la mise en œuvre de ces mesures en fonction du statut de l’établissement (maison d’arrêt, centre de détention, maison centrale..). Chaque responsable d’un centre est à la seule personne qui est chargée d’évaluer la dangerosité des détenus ainsi que celle des locaux. L’architecture de certains établissements exclut d’ailleurs tout réaménagement en vue de la création d’ateliers conformes aux règles d’hygiène et de sécurité.
Sur le plan normatif, il n’existe aucune norme internationale s’appliquant spécifiquement au travail pénitentiaire. Tous les deux ans toutefois, la Commission des experts de l’Organisation internationale du travail (OIT) évalue notamment le respect par différents pays de l’application de la Convention 29 interdisant sur le travail forcé ou obligatoire. La critique principale de ces experts porte, en ce qui concerne la France, sur la pratique (et les prévisions normatives !) consistant à faire un lien entre la réduction de peine et le fait que le détenu ait travaillé ou pas. Ce qui pose implicitement la question : le détenu est-il ou non libre de travailler ou de ne pas travailler ?
La Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme exclut de son champ l’activité de la personne détenue. La déclaration récente du Garde des Sceaux s’engageant à faire appliquer les nouvelles normes européennes en matière de détention, ne devrait pas non plus modifier sensiblement la situation actuelle. Ces « nouvelles » normes adoptées par le Comité des ministres du Conseil de l’Europe du 12 janvier 2006 ne sont qu’une actualisation de la version antérieure qui datait de 1987. Ces normes (de « soft law » ou droit mou ?) n’ont aucune force contraignante. On peut noter à cette occasion que la tendance actuelle des différents gouvernements serait de préférer, en ce qui concerne le contrôle de la mise en application de leurs propres engagements, la « soft law » à la « hard law » (droit positif). Cette déclaration du Garde des Sceaux semble plutôt se présenter en réalité comme une réponse indirecte au Commissaire aux droits de l’homme Alvaro Gil-Robles, dont le rapport sévère concernant les situations de détention en France, a été plutôt mal accueilli par une grande partie de la classe politique. Il ne faut donc pas s’attendre à la définition d’un nouveau cadre juridique pour le travail en prison qui serait impulsé par le droit international en général ou le droit européen en particulier.

Pourtant un nouveau cadre juridique est indispensable.


Il n’est pas possible lorsqu’il n’y a pas simplement « occupation » mais travail pour le compte d’autrui dans des conditions de subordination (organisation du travail, contrôle effectif de sa réalisation, …) de continuer d’estimer qu’aucun travail de détenu en prison ne puisse faire l’objet d’un contrat de travail.

En revanche, il serait illusoire de vouloir exiger l’application intégrale du code de travail dans les prisons. Mais par contre, il est possible de prendre appui sur les solutions mises en place dans les pays du Sud comme dans les pays nordiques sans pour autant chercher à les importer tels quels. Certains de ces pays ont mis au point un contrat de travail spécifique avec un ensemble de dispositions de droit commun ou particulières qui lui est associé ; il existe ainsi en Espagne un contrat de travail spécial disponible pour certaines relations de travail en prison ; on prévoit, là aussi à titre d’exemple, la possibilité d’un débat contradictoire entre le salarié et son employeur à propos des motifs invoqués pour le licencier. Bien évidemment, il faudrait aménager le droit commun du travail en fonction des contraintes spécifiques de l’incarcération (visite, transfert d’établissement, fin de peine, par exemple, conduisent à créer des cas de suspension ou de rupture originaux du contrat de travail).

Plus particulièrement en matière disciplinaire, le paradoxe de la situation actuelle réside dans le fait qu’une procédure très précise existe dans l’hypothèse de fautes commises par un détenu dès lors que ces fautes sont attentatoires à l’ordre de la prison. Cette procédure disciplinaire prévoit en effet des possibilités de débat contradictoire entre les représentants de l’administration et le détenu. En revanche, pour les fautes professionnelles éventuellement commises par un détenu, aucun recours n’est prévu et l’administration n’est pas dans l’obligation de justifier les raisons pour lesquelles elle n’autorise plus un détenu à aller travailler dans un atelier.
Il conviendrait également qu’un salaire minimum soit effectivement garanti sans pour autant qu’il soit aligné sur celui en vigueur à l’extérieur de la prison.

Il faudrait prévoir un droit d’expression individuelle qui existe déjà de façon informelle dans certaines prisons, avec notamment la mise en place de « boites à idées », ainsi qu’un droit d’expression collective. Les risques de « caïdat » souvent invoquées pour freiner le développement de ce type d’expression, ne paraissent pas terriblement plus élevés en prison qu’à l’extérieur. On sait également qu’en Italie ou en Espagne, par exemple, la grève des travailleurs-détenus n’est pas interdite. Il ne faut pas traiter « idéologiquement » de ce type de question ou trop développer de crises d’angoisse à leur sujet. Pratiquement, la grève se traduit par le refus des détenus de se rendre à l’atelier ce qui n’entraîne donc pas un désordre généralisé dans l’enceinte de la prison susceptible de nuire à la sécurité générale de l’établissement. Une revendication professionnelle préalable est bien évidemment nécessaire.
Dans la mesure où les textes concernant les règles d’hygiène et de sécurité existent et que juridiquement le code de procédure pénale y renvoie déjà au moins partiellement, le plus urgent serait de faire en sorte que les dispositions concernant la santé et la sécurité soient effectivement appliquées. Il faudrait encore prévoir cependant la mise en place d’une visite médicale d’aptitude au travail (même si de fait – mais pas en droit ! - ce type de visite existe déjà souvent). Si la liberté de visite pour un inspecteur du travail, est bien inscrite dans les textes, on peut se demander à l’issue de notre recherche, si les inspecteurs du travail d’aujourd’hui sont très sensibilisés et viennent effectivement en prison. Le chef d’établissement dispose également de son côté des moyens juridiques (essentiellement par le biais des injonctions) dans le code pénal, pour exiger des concessionnaires le respect des règles d’hygiène et de sécurité. Le paradoxe en substance étant que les chefs d’établissement, à la différence de nombreux responsables de PME, sont eux-mêmes demandeurs de visite d’inspecteurs de travail ; les rapports de visite leur seraient utiles pour la négociation du budget de leurs établissements respectifs.

En matière de protection sociale, le statut d’un détenu est proche de celui d’une personne libre à l’exception des indemnités de chômage alors que le chômage frappe tout particulièrement en prison, ainsi qu’à l’exclusion des prestations en espèce (maladie, …) trace s’il en était besoin que l’on considère que le détenu est totalement pris en charge par la prison, alors même que tout (ou presque) se paie en prison.

Dans la mesure où l’obligation du travail a été supprimée en 1987 en France, tout simplement parce que l’administration pénitentiaire était incapable de trouver un travail pour chacun des détenus, cela implique donc que la liberté du travail existe. Les détenus qui disposent des qualifications pour travailler devraient pouvoir disposer de garanties d’emploi et de revenus minimales telles que par exemple les organisent à l’extérieur les contrats de travail à durée indéterminée intermittents, ceci dans les cas où l’on ne puisse pas recourir à d’autres formes contractuelles aménagées (contrat à durée déterminée, contrat de travail à temps partiel annualisé, …) . Ceci permettrait aux détenus de connaître à l’avance, sur une période déterminée, le nombre d’heures garanties. Grâce à ces garanties, les détenus pourraient alors compter sur un revenu minimal pour s’organiser, pour subvenir à leurs propres besoins mais aussi pour pouvoir témoigner du maintien de leur soutien et de leur affection à leurs proches.
Pour tous les détenus disposant d’une qualification professionnelle ou plus simplement de capacités normales de travail, à la privation de liberté ne doit pas s’ajouter la peine supplémentaire d’une activité très aléatoirement reconnue hors contrat de travail.
L’enjeu du travail en prison et de son encadrement juridique n’est pas, comme il est politiquement correct de le dire et comme semble l’indiquer le code de procédure pénale, la réinsertion professionnelle. Ne parlons pas de ce qui est le plus souvent de l’ordre de l’illusion. L’enjeu incontournable est bien d’assurer la dignité de la personne incarcérée.

Philippe Auvergnon

Pour en savoir plus, l’ACAT Paris V vous recommande la lecture du livre suivant :
AUVERGNON Philippe, GUILLEMAIN Caroline, Le travail pénitentiaire en question. Une approche juridique et comparative, Paris, La Documentation Française, (Coll. Perspectives sur la justice), 2006, 195 p., 25 €.





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