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Peine de mort - Etats-Unis : Biographie de Rick Halperin, président de la coalition texane pour l'abolition
Posté par Peyron le 18/4/2005 12:14:36 (1227 lectures)

Biographie de Rick Halperin, président de la coalition texane pour l'abolition de la peine de mort et membre du bureau exécutif d'Amnesty Etats-Unis
publiée dans le Fort Worth Star-Telegram le 26 septembre 2004

Rick Halperin est né le 2 juillet 1950. Il milita en tant qu’objecteur de conscience pendant la guerre du Vietnam. A Prague, il est témoin du suicide par le feu de l'étudiant contestataire Jan Palach. Deux ans plus tard, après les émeutes de Kent State, le 8 mai 1970, un policier anti-émeute lui tira du gaz acide dans les yeux. Depuis, il est partiellement aveugle.

La blessure de Halperin ne l'a pas empêché de poursuivre ses études, il enseigna l'histoire à Auburn, à Tulane et à l'Université de Mississippi. La SMU (Southern Methodist University) de Dallas le recruta en 1985, d'abord en tant que conseiller académique à plein temps, puis, en 2000, comme directeur adjoint de l’Office of Leadership and Community Involvement de l'Université (Office universitaire d'initiative et d'engagement au sein de la communauté). Mais, sur le campus, on le connaît surtout comme professeur d'histoire. Le séminaire pour étudiants qu'il donne depuis 1990, The Struggle for Human Rights (la lutte pour les droits humains) est très demandé. Ces cours d’histoire sont pour lui l’occasion de faire comprendre à ses étudiants son aversion pour la peine capitale.

C’est le jour de ses 26 ans le 2 juillet 1976 que la peine de mort est redevenue légale après une toute petite pause d’environ 4 ans. Il note que la peine de mort a presque 400 ans : "Ce n'est pas difficile historiquement, de voir pourquoi on a tant de mal à s'en débarrasser. Nous luttons contre l'institution la plus ancienne de l'Amérique."

Halperin travaille sur des questions relatives à la peine de mort depuis son arrivée dans le Texas en 1985. Il est président de la Texas Coalition to Abolish the Death Penalty. Il organise depuis plus de 10 ans des rassemblements mensuels anti-peine de mort au centre de Dallas. Le bureau exécutif d'Amnesty International USA l’a choisi comme président pour 1992-1993. Halperin voyage sans arrêt pendant cette année-là, parlant de la peine de mort aux Etats-Unis devant des audiences à travers l'Europe et l'Amérique du Nord.

Aujourd’hui, à 54 ans, il incarne cette lutte aux USA et au plan international. Il a visité les camps de réfugiés palestiniens, il est allé se rendre compte des atrocités des escadrons de la mort au Salvador. Et chaque année, Halperin, autorité sur l’holocauste, amène ses étudiants et collègues sur les sites de camps de la mort. Sa vie n’a de but que de mettre fin à la torture et à la peine de mort. Ses collègues de la SMU le décrivent avec respect comme étant "comme un saint", "un prophète". Mais il dit de lui-même :"Je ne pense pas que j'ai quoi que ce soit de particulier. Je suis une personne ordinaire avec un engagement fanatique à une bonne cause,".

Ses plus durs adversaires, il les trouve au Texas où il s’est établi : c’est là que les partisans de la peine capitale sont les plus virulents. La plupart des gens considèrent la peine capitale comme étant une punition juste et appropriée pour des actes graves et le bilan du Texas c’est 460 personnes, dont 9 femmes, dans le couloir de la mort. Depuis 1982, 326 autres ont été exécutées, plus de 3 fois autant qu'en Virginie, l'état qui suit de plus près. Il reçoit souvent des messages haineux et même des menaces de mort ; c’est le prix qu’il est prêt à payer.

Mais sa ferveur a aussi un coût personnel : elle ne laisse guère de temps en dehors de la mission qu’il s’est fixée." Tout ce qui me concerne, tourne autour des droits de l'homme, " reconnaît-il. " Je me sens disponible pour cette cause 24 h sur 24. Ce n'est pas quelque chose que je fais, c'est ce que je suis ". Il travaille dans un petit duplex blanc au milieu du campus. Son bureau, une ancienne chambre à coucher à l'étage, se trouve dans un état permanent de désordre où les piles de livres et de brochures se disputent la place à des objets tels une chaise électrique miniature marquée " Hors service ", un tableau symbolique éclaboussé de peinture rouge, ou une œuvre multimédia comportant le symbole universel du genre féminin où le cercle est également une cible. Il vit seul à deux pâtés de son bureau. Si on lui avait dit, il y a 30 ans, qu'il n'aurait aujourd'hui ni femme ni enfant, il aurait ri d'incrédulité. Mais la priorité reste à son combat et tant pis si son engagement fait qu’il se passe de relation stable, d'une famille.

Des nombreuses récompenses reçues par Halperin, celles dont il est le plus fier sont les deux Outstanding Faculty Teaching Awards (prix d'enseignement au-dessus du commun) conférés par les votes des étudiants de la SMU. Halperin, est toujours disponible pour les étudiants. Il vit pour eux. Il y a une note écrite à la main sur sa porte : "Tout le monde est toujours bienvenu dans ce bureau."

"En 1992-3 une grande part de l'horreur du système était encore à découvrir, " dit-il. En fait une attention sans précédent a été portée sur cette question plus tard dans la décennie lorsque le gouverneur de l'Illinois, George Ryan, mit en place un moratoire sur la peine de mort dans son état, puis lorsque l'exécution de Karla Faye Tucker était imminente au Texas, enfin quand le gouverneur du Texas,George W. Bush, annonça sa candidature pour les présidentielles et les media nationales se mirent à regarder son bilan.

Au cours des années, Halperin est devenu quelque chose comme un oracle sur le sujet de la peine de mort. De partout dans le monde, des prisonniers, leurs familles, leurs correspondants, et ceux qui les soutiennent, lui écrivent ou lui téléphonent en quête d'information, d'un soutien moral ou concret. Après l'injection létale de James Reid le 9 septembre [2004] en Virginie, Halperin a fait ce qu'il fait toujours après une exécution. Il est retourné immédiatement à son bureau ce soir-là afin de traiter des heures d'appels téléphoniques et d'e-mails. "Il y a un prix à payer - une vigilance de tout instant- pour faire que l'abolition arrive, " dit-il. Il croit que cela arrivera bientôt.

Halperin est co-fondateur du Jeûne et de la Veillée en 1994. Cet événement commémore deux dates : le 29 juin 1972, quand la Cour Suprême a interdit de fait la peine de mort telle qu’elle était alors appliqué, et le 2 juillet 1976, quand la Cour revint sur cette interdiction. La période de 4 jours présente l'occasion naturelle d'une protestation publique au pied de la Cour Suprême des USA à Washington, l'institution la plus symbolique dans le contexte de cette lutte.

Il n'y a pas de désobéissance civile pendant la veillée. Il s'agit d'un rassemblement organisé pacifiquement par les “ abolitionnistes ” (ceux qui militent contre la peine de mort se disent "abolitionnistes". Ils sont les héritiers idéologiques de ceux qui s’opposèrent à l’esclavagisme). On installe des tables couvertes de documents, et on discute. Le dernier jour de la veillée est l'anniversaire de Halperin. Il est assis à quelques pas des marches de la Cour Suprême près d'un rafraîchisseur d'eau en plastique sur lequel il a écrit Celebrate Life, une de ses devises préférées. Sur son T-shirt, on lit : I oppose the death penalty. Don't kill for me. (Je m'oppose à la peine de mort. Ne tuez pas pour moi).

Il n'a pas mangé depuis bientôt 36 heures. Il est capable de parler pendant des heures de sa cause. De temps en temps il mettra en avant les arguments maintes fois répétés des abolitionnistes - que la peine de mort tue des innocents, qu'elle coûte cher, qu'elle n'est pas dissuasive, qu'elle est prédisposée contre les minorités raciales et les pauvres. Mais pour Halperin ce sont des arguments secondaires. Sa répulsion revient à un seul principe fondamental : pour lui il est moralement inacceptable de prendre une vie humaine, quelque soit le moment, quelque soit la raison.

"Il n'y a pas de personne de 'moindre' importance, " insiste-t-il. "Il y a des gens différents, mais ils ne sont pas moindres. " Que les Etats-Unis soit la seule démocratie occidentale à conserver la peine de mort ne le surprend pas. Cela fait partie, dit-il, de l'abominable record de son pays en ce qui concerne les droits humains. Cela va du suffrage refusé par les Pères Fondateurs à tous sauf aux hommes blancs et riches, au massacre des Amérindiens, aux crimes homophobes. "L'étude de l'histoire américaine, du point de vue de la justice sociale, est une étude de bigoterie, d'intolérance, de ségrégation et de l'anéantissement de peuples," affirme Halperin.

Le cours sur la Lutte pour les Droits Humains a lieu le mardi soir dans la Salle Dallas de la SMU. Le cours traite de divers sujets : les fondements philosophiques des droits de l'homme, l'histoire des lynchages, la peine de mort au pays et à l'étranger.

Un soir d'avril, Il va parler de la peine de mort aux Etats-Unis. Il leur fait faire un parcours d'histoire légale à travers des décisions de la Cour Suprême et d'autres cours fédérales. Il raconte à la classe sa propre expérience en tant que témoin d'une exécution au Texas en 1998. Le condamné lui avait demandé d'être présent et d'utiliser l'expérience dans son cours. Halperin, qui n'avait jamais vu une exécution, consentit à contrecoeur. La scène à Huntsville est à la fois douloureuse et glaçante : lamentations et pleurs chez la famille du condamné ; puis les lanières, les aiguilles, l'apparente indifférence des bourreaux. “ La mort intervient à 6 h 27 ” dit Halperin, faisant écho à la seule déclaration faite dans la chambre : Death is at 6:27. Quand Halperin a terminé, certains étudiants sont visiblement émus. Et bien qu'il insiste que ce n'est pas une réunion d'Amnesty 101, la réaction qu'il souhaite provoquer est claire.

"Nous devons sortir de notre zone de confort, " dit-il. "Les gens moyens ne veulent pas s'engager sur cette question-là parce que c'est un sujet tellement négatif, tellement mal venu et difficile à affronter. Ils savent seulement ce qu'ils ressentent dans les tripes." Halperin n'offre pas à ses étudiants ce luxe d’ignorer. “ Je voudrais enlever de leur vocabulaire les mots les plus dangereux de la langue anglaise :'Je ne sais pas.' ” Jim Hopkins, qui occupe la chaire du département de l'histoire, est à l'aise avec le rôle double tenu par Halperin d'enseignant et de militant. "Il ne fait pas de sermons, " dit Hopkins. "Il invite ses étudiants à entrer dans des mondes qu'ils n'ont jamais connus. À travers des tâches de lecture et d'écriture qu'il leur assigne, à travers ses propres expériences, il fait plus dans son cours pour transformer leur vision du monde et le rôle qu'ils peuvent y jouer, que n'importe quel autre de ma connaissance."

Souvent Halperin rend visite à des condamnés à mort. Les condamnés lui demandent beaucoup : il leur cherche des avocats, il passe des messages à leurs familles. Il lui est même arrivé de s'occuper de leurs pompes funèbres. La seule chose qu'il ne fera pas c'est leur donner de l'argent. Il explique que, ne pouvant aider financièrement les quelque 3 500 condamnés à mort des USA, il ne peut choisir.

Un condamné à qui il rend visite est dans le couloir depuis 8 ans. Halperin pourra-il le sauver ? "Après tout, dit-il, le processus de l'abolition de la peine de mort est déjà en marche."

"Je vivrai pour en voir la fin, et même si je n'y arrive pas, et que cette affirmation se révèle fausse, si je meurs alors que nous tuons toujours des gens, et bien j'aurai quand même raison !" Ce n'est pas seulement par hasard que la date que Halperin considère comme la plus signifiante dans cette lutte elle-même si signifiante pour les droits de l'homme, tombe le jour de son anniversaire. "Je ne crois pas que ce soit une coïncidence, " dit Halperin. "Toute ma vie, j'ai su pourquoi je suis ici et quelle est ma raison d'être."

"On va me le rendre, mon anniversaire ! "

adapté par Alain Mot (groupe 109,AI)

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